Apports de la réforme issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 prise en application de la loi EGALIM du 30 octobre 2018.
L’ancien article L. 442-6-I.5° qui érigeait en faute et sanctionnait le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis ou avec un préavis insuffisant a été réformé par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, dite « ordonnance EGALIM ».
Ce texte a été renuméroté à l’article L. 442-1, II du code de commerce lequel dispose dans son alinéa 1er qu’:
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ».
Champ d’application
L’ancien Article L. 442-6-I.5° du Code de commerce s’appliquait à toutes les relations d’affaires quelle que soit la qualité des professionnels engagés et visait « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ».
Le nouvel article L.442-1 redéfinit le champ d’application en faisant référence non plus au statut des parties mais à l’activité exercée ; l’interdiction de la rupture brutale s’imposant désormais à « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ».
Relations commerciales concernées
Tout comme l’ancien texte, la règle vise les relations commerciales « établies », c’est-à-dire celles qui présentent un caractère suivi, stable et habituel.
La réforme ne modifie pas non plus le type de relation commercial concerné. Toutes les relations commerciales sont concernées, que ce soit la vente de biens ou les prestations de services, dès lors qu’elles ont lieu entre deux professionnels et revêtent un caractère commercial, peu importe qu’il y ait un contrat formalisé par écrit, qu’il s’agisse d’un contrat à durée indéterminée ou déterminé, ou d’un simple courant d’affaires, telle qu’une succession de contrats ponctuels.
Brutalité de la rupture
Là également la règle demeure inchangée.
La brutalité de la rupture résulte soit de l’absence de tout préavis soit d’un préavis insuffisant. Même lorsque le préavis est contractualisé, ce dernier peut être écarté s’il s’avère insuffisant.
Détermination du préavis
L’ancien l’article L.442-6 I 5° du Code de Commerce visait un préavis respectant la durée minimale compte tenu de la durée de la relation commerciale.
Le nouvel l’article L.442-1 II du Code de Commerce prévoit que le délai de préavis qui doit désormais être donné par écrit doit tenir « compte notamment de l’ancienneté de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. »
Par le terme « notamment » le législateur consacre ainsi la jurisprudence antérieure qui prenait en compte d’autres critères que la durée stricto sensu de la relation commerciale tels que la dépendance économique, le volume d’affaires, la progression du chiffre d’affaires, les investissements spécifiques effectués non amortis, le temps nécessaire pour trouver de nouveaux partenaires commerciaux, l’existence d’une relation d’exclusivité ou encore la spécificité des produits ou des services en cause…
Instauration d’une exonération de responsabilité
L’une des modifications majeures de la réforme est l’instauration d’un seuil de préavis de 18 mois.
En effet, le nouvel article prévoit qu’« en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ».
L’ancien article L.442-6, I, 5° ne donnait aucune indication chiffrée du préavis à respecter, et la jurisprudence fixait en moyenne la durée du préavis à 1 mois par année d’ancienneté, donnant lieu ainsi à un abondant contentieux aléatoire et source d’insécurité juridique.
Le législateur a souhaité y remédier en posant une présomption de non-responsabilité dès lors que l’auteur de la rupture respecte un préavis d’une durée de 18 mois, et ce quelle que soit la durée de la relation commerciale. Cela peut paraitre contestable, surtout pour les relations commerciales de très longue durée nécessitant un préavis bien supérieur.
Facultés de résiliation sans préavis
Notons que l’article L.442-1 maintient les deux hypothèses dans lesquelles la résiliation de la relation commerciale peut intervenir sans préavis : en cas de force majeure ou en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations. Dans ce dernier cas, l’auteur de la rupture devra opposer un manquement revêtant un degré de gravité suffisant justifiant l’absence de préavis.
Application dans le temps de la réforme
Les textes étant silencieux quant à l’application dans le temps de la réforme, on peut estimer, en vertu de la règle selon laquelle la loi nouvelle n’a point d’effet rétroactif, que les nouvelles dispositions n’ont vocation à s’appliquer qu’aux ruptures prononcées postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Pour des questions supplémentaires vous pouvez contacter Maître Céline TAIEB (celine.taieb@au99168.com)
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